Un peu d'histoire
Ménilles, autrefois
Du XIe siècle jusqu’à nos jours, l’avènement du christianisme, la guerre de Cent ans, la vigne, la Révolution française, le chemin de fer, l’industrie et la Seconde guerre mondiale ont marqué l’histoire de Ménilles.
Près de 1000 ans d’histoire…
Probablement au temps de Charlemagne et des Mérovingiens, quelques familles ont fondé entre rivière et colline un lieu dont l’origine du nom Ménilles est encore incertaine. De Menila au XIè siècle, Menilae au XIIIè, puis Menillum, la possibilité d’une déformation de mesnil qui, en ancien français, nomme une petite ferme a été envisagé. Comme les villages voisins d’Aigleville, Cocherel, Hardencourt, Hécourt, constitués sensiblement à une époque située entre les Vè et IXè siècles, il est vraisemblable que Menilles existait aussi au temps des mérovingiens. C’est pour cette raison qu’à la forme mesnil nettement postérieure, il semble plus judicieux de l’attribuer à l’utilisation de la racine men qui, en langue celte, signifie pierre. Cette pierre était tirée, jusqu’au siècle dernier, des nombreuses carrières de la côte. Une autre incertitude tient en la présence ou non de l’accent porté. Ce n’est qu’en 1740 qu’apparaît la forme Ménilles qui lui donne un accent. Il se peut qu’alors, l’accent ait été ajouté par erreur sur des documents officiels. Bien que la dénomination de Menilles ou Ménilles ne soit pas administrativement définie, la forme actuellement utilisée est celle qui fut portée par la famille du même nom et transmise oralement par tradition – Menilles. Depuis sa fondation, Menilles est façonné par ses habitants. Ceux qui y naissent, vivent, travaillent font son histoire. Jeunes et moins jeunes, à nous tous revient la lourde tâche de prendre soin des vestiges du passé en y construisant au mieux notre avenir.
Photos anciennes
Église de Ménilles
Parmi les monuments de Menilles, l’église saint Pierre – saint Paul, bâtie à mi-côte près des dépendances du château, est à l’origine une construction de la fin du XIIIè. De nombreux remaniements au cours des siècles qui suivirent en firent un édifice remarquable par son allure et sa richesse.
La façade est constituée par une tour massive légèrement déportée, où se dessine un portail richement agrémenté de sculptures. Ce portail classé, daté de 1562, est en plein centre. Une grande baie avec cinq profondes voussures comportant plusieurs rangées de pampres, feuillages frisés et dais gothiques flamboyants découpés à jour abrite des figurines portant les instruments de la passion. Les scultptures ont souffert du temps et probablement de la révolution française. De plus grandes figurines aujourd’hui disparues devaient orner les consoles situées aux ébrasements ainsi que sur les contreforts.
Les vantaux en bois des deux portes présentent 14 personnages sculptés parmi lesquels on reconnait St Georges en armure romaine, St Sébastien, St Martin, ainsi que les apôtres St Pierre et St Mathieu.
Le clocher, élevé en 1805, abrite la cloche et l’horloge réceptrice moderne en remplacement de l’ancien mouvement mécanique déposé vers 1970.
La large nef, longue de cinq travées qui prennent jour par les fenêtres des étroits bas-côtés, est séparée de ceux-ci par des arcades à doubles piliers cylindriques. Elle est épaulée à l’extérieur par des contreforts à étages moulurés. Du côté sud, de deux travées voûtées sur croisées d’ogives semblent être d’une construction antérieure au XIVè siècle. La voûte en lambris, semblable à une coque de navire retournée, est typique des églises normandes. Le statuaire est composé de représentations des douze apôtres ainsi que de St Vincent et Jeanne d’Arc.
Les fonts baptismaux de la fin du XVè siècle ou début XVIè méritent particulièrement l’attention. La cuve hexagonale sculptée porte visages d’angelots et oiseaux, ainsi qu’une double rangée de pampres rappelant le passé vinicole de Menilles.
De nombreuses pierres d’obits (pierres commémoratives de messes données pour le repos de l’âme d’un défunt) sont encastrées dans les murs des bas-côtés.
A l’entrée du choeur, à gauche, une pierre de dédicace de l’église rappelle sa consécration le 17 octobre 1514 par Toussaint Varin, évêque de Thessalonique. Une chapelle seigneuriale y est ouverte au début du XIXè. Depuis une récente restauration, les tableaux qui y étaient accrochés, peints au couteau dans le style pré-impressionniste par le Comte Antoine de la Rochefoucauld, ont été déposés et remisés. Le retable à hautes colonnes et boiseries peintes en trompe l’oeil et doré à la feuille a retrouvé la croix de bois qui le coiffait. Au-dessus du maître-autel, une peinture, la Vierge aux Donateurs, est une reproduction d’une oeuvre de Van Dyck exposée au Louvre.
La vigne
” … que quelques géographes modernes viennent dire hardiment qu’ils ne croient point de vin en Normandie, si la preuve que j’en apporte ne les satisfait pas encore, je les renverrais à l’excellent vignoble de Menilles, Vaux, Hardencourt, Ecardenville … paroisses situées à trois petites lieues d’Evreux, et dont le vin, en certains cantons, peut aller de pair avec celui de Bourgogne ” . Auteur anonyme – 1766
Les registres l’attestent … à Menilles autrefois, le métier le plus répandu était celui de vigneron. Cette vigne a traversé les époques depuis le XIIè siècle. La plupart des habitants en possédaient une parcelle de trois à quatre ares sur les coteaux les mieux exposés. Malgré un ensoleillement normand un peu faible pour ce genre de culture, le cru de Menilles est cité pour son excellence jusqu’au XIXè siècle.
Le recensement des terres fait apparaître en 1827 une plantation de vigne de 45ha dont 30ha de première classe. Les espèces cultivées sont le Meunier, le Néret et plus anciennement le Fourmental avec environ huit fois plus de raisins noirs que de raisins blancs. A cette époque, les mesures se font en pots, caques, barils, poinçons, queues et muids. Chaque queue vaux six barils et un baril soixante et un pots. Que ce passe t il ensuite ? En 1891, subsistent 7ha avec 17500 ceps. Si la récolte de cette même année n’est que de 14 hectolitres à l’hectare pour une valeur de 75 francs l’hectolitre, une année suivante ne produira que 4 hectolitres par hectare à 50 francs l’hectolitre.
Cette culture était difficile mais conduite avec tous les égards. Les parcelles de la côte saint Vincent, patronyme du saint patron des vignerons, étaient entretenues depuis le sommet. Sur le plateau, du trou à terre rouge était tirée de l’argile utilisée dissoute comme amendement avec du fumier puis déposé au pied de chaque cep. La remontée du coteau se faisait avec la hotte emplie d’une pelletée de terre pour pallier au ravinement ou avec les pierres ramassées çà et là sur la pente. Au sommet de la côte, des tas de pierres en murgers en témoignent encore.
Plusieurs causes peuvent avoir provoqué la disparition de la vigne à Menilles mais aussi dans l’ensemble de la Normandie : Le climat avec des hivers rigoureux et un manque d’ensoleillement géographique ainsi que des impôts excessifs de 60 sols par pied. Mais peut-être et surtout l’apparition du philoxera en 1916 qui détruisit nombre de vignes et le développement des échanges commerciaux, n’incitant pas à replanter un vignoble dont la production devait, quoi que l’on en dise, être jugée de qualité inférieure aux vins importés d’autres régions.
La culture de la vigne faisait partie de la vie de Menilles et de cette époque subsistent encore quelques éléments pour qui sait observer. L’église témoigne par la présence d’une statue de saint Vincent ainsi que celle d’un vitrail offert en 1866 par la famille Lempérière. Pour conserver le vin, toutes les maisons situées au pied de la colline possédaient (et ont encore) une excellente cave voûtée en pierre s’enfonçant sous terre. A l’occasion d’une promenade à flanc de côte, s’observent quelques vieux ceps redevenus sauvages.
Deux rues de Menilles portent encore un nom évocateur de son passé vinicole – la rue du Vin Bas, le chemin des Grandes Vignes.
Autre culture menillonne au XVIIè siècle – celle du safran dont le pistil de la fleur servait de base à une teinture jaune.
Lavoir de ménilles
S’infiltrant profondément dans le sol, l’eau de pluie fait gonfler les nappes. Après de nombreuses années d’un périple souterrain, l’eau profite de fissures et de lits d’argile pour rejaillir à la surface sous forme de sources.
Autrefois …
C’est l’une de ces sources qui alimente le lavoir de la côte Roederer. Il était autrefois utilisé par les habitants pour les lessives ainsi que le lavoir de la rue de Croisy en bordure de rivière.
Dans les maisons de notables ou les grandes fermes, des lavandières professionnelles lavaient le linge. Dans les familles plus humbles, c’est la maîtresse de maison qui était en charge de cette tâche.
Le linge était placé dans une lessiveuse et mis à bouillir dans un mélange d’eau et de cendre de bois. Cette lessive naturelle redonnait « sa blancheur au blanc ». Le rare petit linge de couleur était lavé dans un baquet d’eau chaude savonneuse, puis frotté à l’aide d’une brosse sur une planche. L’ensemble, mis dans une bassine, était ensuite transporté en brouette jusqu’au lavoir municipal. Là, en commentant avec malice les derniers potins du village, les lavandières rinçaient au fil du courant de la rivière. La meilleure place était située en amont afin de ne pas recevoir l’eau de rinçage des autres lavandières. Le linge était tordu et battu à l’essorage. De retour à la maison, l’étendage sur l’herbe en plein pré donnait naturellement une douce fraîcheur printanière.
Les armoires normandes de nos grands-mères étaient autrefois remplies de lourds draps blancs. Dans les fermes, ce que l’on nommait la grande lessive avait parfois lieu une ou deux fois par an et mobilisait alors toute la famille.
Métiers anciens
Les moyens contemporains de déplacement nous font oublier qu’autrefois un village devait s’organiser, quelque peu replié sur lui-même. C’est ainsi qu’étaient pratiqués à Menilles, bon nombre d’anciens métiers aujourd’hui disparus.
En 1870, comme beaucoup de communes rurales, Menilles était essentiellement tourné vers l’agriculture.
On ne comptait pas moins de 29 vignerons et 14 agriculteurs. Mais aussi trois entrepreneurs de battage pour battre le blé, deux maraîchers et deux jardiniers ainsi qu’un grainetier.
Bien que les maisons d’habitations et leurs dépendances, faute de grands moyens, étaient souvent construites par les habitants eux-mêmes avec des pierres tirées des carrières et des bois de récupération ; on recensait à Menilles un terrassier, six maçons, deux charpentiers et trois menuisiers.
D’autres petits artisans y travaillaient. Les quatre scieurs de long débitaient le bois manuellement à la scie. Deux tonneliers fabriquaient et réparaient des tonneaux pour y stocker le vin. Deux maréchaux ferraient les chevaux. Le vannier tressait les paniers et corbeilles d’osier. Le chaudronnier fabriquait les chaudrons et ustensiles de cuisine, puis le ferblantier les contenants en fer-blanc (tôle recouverte d’étain). Le taillandier forgeait des outils de coupe pour les artisans. Le serrurier fabriquait clefs et serrures.
La mode campagnarde de l’époque qui s’attachait plus à la commodité qu’au style était distribuée par les deux marchands tailleur, un marchand de nouveautés, un tisserand, le cordonnier, le perruquier (coiffeur) et un fabriquant de boutons. Les durs travaux quotidiens usaient les sabots fabriqués à la main par le sabotier.
Il est probable que le boulanger, le boucher charcutier et le laitier fournissaient essentiellement les habitants aux meilleurs revenus. Dès qu’ils possédaient un coin de jardin, les Menillons cultivaient leurs légumes et engraissaient leurs lapins et volailles, quand ils n’étaient pas ramenés de la chasse. Certaines maisons qui possédaient un four, permettaient la cuisson du pain. L’ordinaire était amélioré par des achats chez l’un des quatre épiciers et des deux marchands de vin.
La petite industrie et le commerce étaient représentés par un fabricant de chocolat, un fabricant de bois cintré, cinq négociants en bois, deux négociants en grains et farine, un marchand de foin à l’export ainsi qu’un commerçant de liquide en gros.
Chaise fabriquée à Ménilles – En 1870 étaient aussi présents à Ménilles un aubergiste limonadier, un brocanteur, un curé, un instituteur et un cantonnier.
En 1930, près de 60 années plus tard, exerçaient à Menilles – matelassier, chaisier, poissonnier, coiffeur, mécanicien vélo, mercier, serrurier, menuisier, rempailleuse de chaises, lavandière, trois épiciers et deux maçons.
Notre confort… oui, mais depuis quand ?
De nos jours, le confort des habitations nous semble évident. Et pourtant, il y a moins d’un siècle … Le courrier était acheminé par diligence sans distribution organisée avant que la poste ne s’installe à Menilles en 1893.
L’échange des nouvelles avec de lointains parents n’avaient lieu qu’en écrivant de longues lettres et quelques cartes postales avant l’arrivée du téléphone à la poste de Menilles en 1909.
Les travaux du soir se faisaient à la chandelle, à la bougie ou pour les plus aisés devant la lampe à pétrole. L’utilisation de la lumière électrique ne se fit qu’à partir de 1910 uniquement pour ceux qui habitaient dans le bourg. Le quartier de la Grand-Cour ne fut raccordé au réseau électrique qu’en 1921.
C’est en 1950 que quelques Menillons purent regarder en noir et blanc les programmes télévisés de l’ORTF.
Les puits furent longtemps utilisés avant de commencer à avoir l’eau courante au robinet de la cuisine en 1960.
Puis le gaz naturel fournit son énergie depuis 1975.
L’ADSL (internet à haut débit) est arrivé à Menilles avec le nouveau millénaire le 11 janvier 2001.
La rivière
Allées ombragées et chemins incitent à la promenade le long de la rive de l’Eure. Bras et méandres conduisent le flot. L’Eure coule doucement au fond de la vallée. Espace de promenade, de repos et de fraîcheur l’été, l’Eure inviterait presque à y tremper les pieds pour s’y rafraîchir. A Ménilles, la rivière est un lieu fréquenté par les truites, brochets, barbillons, perches, gardons et sandres mais aussi par les pêcheurs.
Autrefois
Longtemps, très longtemps avant qu’elle ne soit déclassée en rivière non navigable, croisant des terres qui deviendraient plus tard celles de Menilles, les vikings remontèrent l’Eure, halant leur embarcation jusqu’aux environs de Dreux.
Bien qu’elle soit depuis fort longtemps enjambée par un pont, la rivière reste un obstacle naturel. Lointain est le souvenir du premier pont en bois. Dans la seconde moitié du XIXè siècle, un pont Eiffel d’acier fut lancé. Il fut détruit à la fin de la Seconde Guerre Mondiale, miné par les allemands l’été 1944. Son importance pour les déplacements provoqua sa rapide reconstruction en béton dès 1945. C’est encore ce pont que l’on utilise de nos jours pour se rendre à Croisy/Eure.
Avant la construction du premier pont, l’accès à Croisy-sur-Eure se faisait par un gué. Celui-ci se situait non loin de la rue du Gué, en un lieu actuellement nommé Le moulin de Clély. L’été, la faible hauteur d’eau permettait une traversée à pied.
Pendant les autres saisons, les services du passeur attaché au bac ou au batelet étaient indispensables. La taxe de passage, surtout pour les gens de petite condition, devait imposer des traversées justifiées. De plus, il fallait parfois attendre quelques temps avant de traverser, le passeur ne pouvant être contraint de passer à moins d’une recette égale au passage de six personnes à pied. De la traversée d’un piéton seul avec son panier pour 3 centimes à l’équipage complet d’un chariot de roulage à 4 roues chargé de marchandises tiré par 3 chevaux avec son conducteur pour 60 centimes, le tarif détaillé livré par les archives prête de nos jours à sourire.
La taxe de passage
Les archives témoignent d’une délibération du gouvernement de la République du 30 nivose de l’an 12 (21 janvier 1804) concernant les droits exigibles sur les bacs et bateaux de passage dans le département de l’Eure.
Personne seule non chargée ou chargée d’un panier de moins de 5 kg : 3 centimes
Marchandises chargées à bras d’homme jusqu’à 5 kg : 3 centimes
Cheval ou mulet et cavalier valise comprise : 10 c
Ane ou ânesse chargé : 4 c
Ane ou ânesse non chargé : 3 c
Cheval, mulet, bœuf, vache âne employé au labour ou allant au pâturage :3 c
Bœuf ou vache de marchand destiné à la vente : 6 c
Mouton, brebis, bouc, chèvre, cochon de lait, paire d’oie ou dindon : 2 c
Conducteur de chevaux, ânes et mulets : 3c
Voiture suspendue à 2 roues avec cheval ou mulet et conducteur : 20 c
Voiture suspendue à 4 roues attelée de 2 chevaux ou mulets et conducteur : 35 c
Charrette chargée attelée de 2 chevaux ou mulets et conducteur : 25 c
Charrette chargée attelée de 3 chevaux ou mulets et conducteur : 40 c
Charrette employée au transport des engrais ou à la rentrée des récoltes + un cheval ou 2 bœufs et le conducteur : 10 c
La même à vide : 8 c
Chariot de roulage à 4 roues chargé avec cheval et conducteur : 30 c
Chariot de roulage à 4 roues chargé avec 2 chevaux et conducteur : 40 c
Chariot de roulage à 4 roues chargé avec 3 chevaux et conducteur : 60 c
Chariot de roulage à 4 roues à vide avec cheval et conducteur : 15 c
Sans accompagnateur, le batelier ne pouvait être contraint de passer isolément chevaux, mulets et bœufs. Les gendarmes en tournée ou les militaires en corps de troupe ou avec une feuille de route étaient exempts de la taxe.